- Nénesse. Qu'est-ce qu'il va y avoir ici?
- Charlie. Paraît que ce serait des appartements!
- Paulo. Ben dis donc Proville continue de se transformer. Dans dix ans on ne reconnaîtra plus le vieux village!
- Charlie. Qu'est-ce que tu veux, faut bien loger les gens et puis maintenir la population à son niveau.
-Nénesse. Moi ça m'embête qu'on détruise cette ancienne ferme. Ils pourraient peut-être utiliser les bâtiments existants et les aménager plutôt que tout démolir.
- Paulo. Faire du neuf avec du vieux, on n'est pas toujours sûr du résultat.
-Nénesse. T'as raison. C'est ce que ta femme elle dit à ton sujet!
- Paulo. Toi j'te r'tiens.
- Charlie. L'école a perdu une classe en 2011. C'est bien la preuve qu'il y a moins de gosses à Proville.
- Paulo. Et l'Administration est intraitable. Pour rouvrir c'est bien plus dur que de supprimer.
- Nénesse. Qu'est-ce que vous attendez vous autres pour en faire des gosses? J'rigole...
- Charlie. Dire que j'ai connu à cet endroit-ci une chapelle au départ du chemin des Prés. A gauche, des pâtures et des champs.
- Paulo. Tu regrettes?
- Charlie. La nostalgie ça ne sert pas à grand chose. Les nombreuses familles qui se sont installées à Proville à la fin des années 1960 avaient bien le droit de profiter du charme de la commune.
- Nénesse. De tout façon Proville aura bien du mal à s'agrandir encore. On ne va tout de même pas supprimer d'autres surfaces agricoles!
- Paulo. Et puis, je ne veux pas être pessimiste, mais... nous n'avons plus vingt ans les gars. Un jour faudra bien qu'on cède la place!
- Charlie. Et dire qu'à la place de ce hangar il y avait autrefois un café.
- Nénesse. Ouais! A mo Alphonse... On m'a raconté que les chevaux ils n'avaient pas besoin de GPS pour y conduire leur maître.
- Charlie. Là aussi il y avait une ferme.
- Paulo. Proville était un village essentiellement rural.
- Nénesse. Qu'est-ce que vous préférez les gars, l'odeur du crottin de cheval et de la bouse de vache ou celle de l'essence?
- Paulo. Quand je vois ces maisons, j'ai l'impression de revenir 50 ans en arrière.
- Charlie. Cette rue était autrefois la rue principale de Proville, la grande rue. C'est là que se trouvaient le plus de fermes, mais aussi d'ateliers d'artisans.
- Nénesse. Et puis l'église elle rassemblait beaucoup de paroissiens. Ach' t'heure, on n'croit plus ni à dieu ni à diable.
- Paulo. D'accord... mais le jour des communions, l'église est trop petite! Va comprendre Char...lie!
- Charlie. La dernière ferme de Proville... Après elle, plus rien!
- Nénesse. Plus rien? Tu veux dire qu'alors Proville méritera tout à fait son classement dans les villes.
- Paulo. Proville fait déjà partie de la banlieue de Cambrai.
- Charlie. Pour le moment, Proville en tant que commune bénéficie encore d'une certaine indépendance.
- Paulo. Indépendance relative. Nous faisons partie de la communauté d'agglomérations de Cambrai. Et son président, c'est le maire de Cambrai!
- Nénesse. On n'va tout de même pas prendre le maquis. Le bois Chenu, c'est pas la montagne corse!
- Charlie. Je trouve ça bien qu'on ait conservé les bordures en grès d'origine.
- Nénesse. Comme quoi du vieux ça peut avoir quelque chose de bon!
- Charlie. La médiathèque. Pendant les vacances il y a toujours une tripotée de gosses.
- Paulo. Ils sont mieux là qu'à traîner les rues.
- Nénesse. Tu vois Paulo, il faudrait un bistrot tout à côté, comme ça tu pourrais faire les deux!
-Paulo. Assurément tu es très drôle cette année.
- Charlie. Tant qu'il y a la crèche, c'est bon signe. Faut de la jeunesse à Proville.
- Nénesse. On peut s'faire de la bile pour l'avenir des jeunes.
- Paulo. T'as donc si peur qu'ils n'aient pas de boulot pour payer ta retraite? Tu réduiras ta consommation de demis. L'eau du robinet, c'est pas si mauvais.
- Charlie. Et puis Nénesse trouvera bien le moyen de la parfumer avec un peu d'extrait anisé!
à suivre