Durant nos sympathiques et souvent exaltantes séances d’écriture à la médiathèque de Proville, il nous arrive de laisser vagabonder nos muses créatrices sur une photo dont nous ne déclinons pas forcément l’origine. Les fruits de notre expression s’apparentent parfois au délire, mais que ça fait du bien de nettoyer en ouvrant la plupart de ses portes un cerveau trop souvent conditionné par les « nécessités » et habitudes liées à la vie sociale!
Je le reconnais : cette intro est destinée à vous inviter à rejoindre notre équipe dès le mardi 28 septembre (inscription gratuite, de 18 à 20h).
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Vous situez la piscine découverte?
C'est cette tache bleue au milieu de la photo.
En revanche, la photo aérienne ci-dessus ouvre amplement le sac à souvenirs et invite à ressusciter quelques événements vécus personnellement mais dans lesquels se retrouveront nombre de citoyens de ma génération.
C’était dans les années 1950. J’étais collégien, élève de cet établissement situé face au jardin public, boulevard Vauban et que tout le monde nommait « le bahut ». L’apprentissage de la natation n’était pas obligatoire. Cependant les professeurs de gymnastique nous emmenaient de temps en temps, avant les grandes vacances, à la piscine découverte de la rue de Châteaudun. Après le déshabillage dans les cabines en bois qui nous donnaient l’impression, les galets en moins, d’un séjour furtif à Cayeux-sur-Mer, nous étions orientés selon nos capacités dans les différents bassins. Ceux qui avaient eu l’opportunité de prendre dans le privé des cours avec les maîtres nageurs se dirigeaient, le regard fanfaron, vers le grand bassin où trônait le plongeoir. D’autres, moins hardis, lorgnaient le « moyen », ce qui leur assurait d’avoir au moins la tête hors de l’eau. Quant aux autres dont j’étais, les « prolos », les minables n’ayant pas eu l’occasion d’apprendre à nager dans ces lieux, ou mieux dans une piscine couverte de la région, nous avions l’immense bonheur de nous laver les pieds et de patauger dans le petit bassin, en compagnie des marmots ou indigents de notre espèce.
Je reconnais que, si je ne faisais pas honneur comme il le méritait à ce milieu aquatique, j’avais tout de même l’expérience de la natation vécue dans ma commune de Neuville-Saint-Rémy. Mais une expérience qui m’a valu jusqu’à présent une certaine distance avec « hache-deux-zoos » suite à des pratiques assez dangereuses.
La piscine découverte de Cambrai, en 1963,
l'année de l'ouverture de la piscine "Liberté".
Dans mon village, tout le monde connaissait le Grand Carré, ce bras du canal en cul-de-sac servant notamment de garage, voire de cimetière aux vieilles péniches. A l’entrée de cette aire, le passage était réduit à la largeur d’un bateau. C’est là que quelques illuminés pratiquaient la natation et même donnaient des leçons à des jeunes dont j’étais dans la perspective d’avoir un jour la vie sauve en cas de chute accidentelle dans le canal. Les bras manquaient; mon père était souvent embauché pour jouer les moniteurs, lui qui ne savait pas nager. J’avais confiance en lui : c’était un adulte. Il me passait autour de la taille une grosse ceinture à l’arrière de laquelle était fixée la corde salvatrice. A son signal, je sautais… Quelques « glouglou… glou... » plus tard j’entamais une brasse assez désordonnée qui me faisait progresser vers la rive adverse distante de quelques mètres. Mon père avait quand même la présence d’esprit de tirer fort sur la corde dès qu’il me surprenait à jouer au sous-marin. Lui, il avait gardé les vêtements de toile bleue qu’il n’abandonnait pour le lavage que le dimanche. Les autres nageurs, fringants à l’arrivée, avec leurs slips en coton tricoté certainement par la grand-mère, l’étaient moins au sortir de l’eau lorsque le textile s’était lamentablement allongé et déformé. Certains profitaient du samedi pour se savonner et prendre ainsi leur bain hebdomadaire. Il faut dire que le site était assez particulier. De temps en temps les regards croisaient de curieux sacs de jute flottant à proximité. Les riverains n’hésitaient pas à se débarrasser dans le Grand Carré de leurs animaux domestiques encombrants.
Suite à la déclaration de plusieurs cas de poliomyélite, le maire finit par y interdire la baignade. Dommage pour moi! J’aurais bien fini par savoir traverser mon modeste « détroit »!
Mais revenons dans notre petit « bain » de la piscine de Cambrai… Un de mes meilleurs camarades sachant parfaitement nager avait menti au prof de gym. Il m’accompagnait donc dans la pataugeoire, pas seulement par gentillesse. Dans un coin de la pièce d’eau s’était développée une sorte de mini mare où croissaient quelques végétaux typiques de ce milieu et divers animaux. Nous nous amusions à les observer et surtout à déterminer leur espèce. Je vis alors pour la première fois le dytique que mon savant ami avait reconnu sur une des planches de l’encyclopédie familiale. C’est ainsi que la natation l’a conduit vers des études supérieures scientifiques, et moi, à l’enseignement.
Comme quoi il est parfois bon de savoir nager dans la vie!
Cloclo