C’était avant-hier, le 24…
La voiture est restée sagement au chaud et à l’abri dans le garage. Il aurait fallu que je refasse au balai un « passage de roues » réalisé à cause des premières chutes de neige, mais réduit à néant depuis les quotidiennes réapparitions de la Dame Blanche.
A quelques mètres de mon domicile, le bruit métallique d’une pelle m’avertit que je vais converser quelques minutes avec mon voisin J… Il retrace sur le trottoir la piste destinée aux piétons. Je lui confie n’avoir pas eu le temps de déblayer de mon côté. Des paroles qui ne tomberont pas dans les oubliettes. Poursuivant mon chemin, mais me retournant, j’aperçois J… en train de réaliser la tâche que j’avais remise à plus tard. « A charge de revanche! C’est vraiment sympa ! Merci ! ».
L…, jardinier et bricoleur émérite, s’est fabriqué un engin très efficace. Une sorte de chasse-neige manuel. Sûr que pour contrer les effets du réchauffement climatique qui cette année jette un froid particulièrement dense sur nos contrées, je vais prévoir la fabrication d’outils spécifiques aptes à lutter efficacement contre l’envahisseur glacé.
Le temps est un sujet qui délie les langues. Plusieurs passants s’arrêtent pour échanger quelques mots. Je pense de nouveau : sympa… Pourvu que ça dure –pas ces intempéries, vous m’avez compris-
Me voici dans la rue Gabriel-Péri. Le long des maisons un passage étroit laissant apparaître le bitume facilite ma progression. Même le trottoir de Mme…, trop âgée pour le faire elle-même, a été dégagé. Solidarité ? J’y crois. Dans la difficulté, la peine, les réactions parfois vives des éléments naturels, l’être humain retrouve ses semblables, sort de son individualisme. « Pas sûr ! », me souffle une voix intérieure. Bah ! Restons optimiste !
Je ne regrette pas ce retard provoqué par d’aimables conciliabules. Le seul risque c’est de ne plus trouver à la boulangerie ma baguette préférée. Il en reste une ! La fringante et souriante patronne distribue autant de « bonjour » et « au revoir » que de pains. Son homme se lèvera à minuit pour préparer la fournée du jour de Noël. Pour lui le réveillon se déroulera dans la chaleur du four.
Dans la rue un riverain d’un certain âge tente de garer les quatre roues de sa voiture sur l’étroit trottoir. Le véhicule tel un âne rétif refuse d’obtempérer. Je guide la manœuvre de mon mieux. Pour toute réponse le conducteur m’asperge de ce mélange peu ragoûtant de neige et de boue, tout en maugréant. A peine un regard. Le « merci » ? Pas la peine d’attendre !
La rue Lucien-Sampaix a retrouvé sa quiétude. Il faut dire que le sol glacé et les chicanes sont dissuasifs.
Le canal est couvert d’une fine couche de glace : aucune trace de passage de péniche. « Avec un ciel si bas qu’un canal s’est perdu… ». Le silence est perforé par le cri des canards maîtres des lieux.
Me voici route d’Arras, au terme de ma randonnée, dans ce quartier que les anciens continuent de nommer « faubourg de Cantimpré ». Une dame âgée slalome entre les voitures. Elle peine à se déplacer. Le sac qu’elle tient à la main m’indique qu’elle se rend au hard-discount tout proche. Passera-t-elle le réveillon en famille ? Les traditions sont bien ancrées. Noël ! On souhaite à cette occasion le retour de la paix, de la fraternité.
Noël… si ça pouvait se fêter tous les jours !
Cloclo