ateliers-Cricri signe "Guillaume le Pierreux" (1)

GUILLAUME LE PIERREUX.

Sous le soleil de juillet, Guillaume est heureux. Il savoure l'instant présent, debout devant le magnifique portail Royal de la cathédrale de Chartres. Guillaume aime les cathédrales. Professeur de dessin, féru d'architecture gothique et de sculpture, il sillonne inlassablement les routes de France en quête des plus beaux monuments. Il met ses pas dans ceux des rois, des humbles, des poètes qui jadis venaient implorer la Vierge ou prier les reliques d'un saint patron. Prestigieuses et grandioses, les cathédrales étaient pour les hommes à la fois leur fierté et leur refuge.

Hier encore, Guillaume se trouvait à Amiens pour visiter un des plus grands édifices religieux jamais bâti en France. Il a admiré le « Beau Dieu d'Amiens », dont le visage reflète la sérénité et la paix.

Auparavant, il s'était rendu à Laon sur la Montagne couronnée, pour découvrir la splendide façade et les deux tours latérales de la cathédrale.

Puis, Reims l'avait ébloui ! Notre-Dame, cathédrale de tous les sacres, offre aux fidèles venus du monde entier, le sourire d'un Ange qui, en guise de bienvenue, accueille ses visiteurs.

Mais le plus surprenant fut de trouver dans la cathédrale d'Autun, une sublime statue, une Ève nue et extraordinaire de sensualité!

Et voici qu'aujourd'hui, il est sur le point de contempler le célèbre bleu de Chartres utilisé par les grands maîtres verriers de l'époque. Lentement, il franchit le portail et se laisse envoûter par la splendeur architecturale de la nef, baignée par la lumière des vitraux colorés. Aussitôt, une fraîcheur bienfaisante l'enveloppe et une forte odeur de cire et d'encens se répand dans l'air. En parcourant les allées, il a vaguement une impression de déjà vu, comme s'il était déjà venu il y a très longtemps. Emporté par le flot ininterrompu des touristes, il débouche sur le chœur ceint d'un déambulatoire s'ouvrant sur des chapelles finement ouvragées.

Lassé par la foule, étourdi par le va-et-vient des files d'attente, il part à la recherche d'un endroit où s'isoler. Il descend dans la crypte déserte à cette heure, devenue lieu de pèlerinage. Avisant une banquette sculptée, il décide de prendre quelques minutes de repos. Il règne ici une ambiance feutrée, propice au recueillement. Dans la semi-pénombre il se surprend à rêver de tous ces bâtisseurs, illustres inconnus, qui ont élevé, à la sueur de leur front, les plus belles constructions à caractère religieux du Moyen Age. Certains ont même fondé des dynasties célèbres, ont vu leur nom gravé à jamais dans la pierre, reconnaissance éternelle de leur savoir-faire inimitable.

Perdu dans ses pensées, Guillaume laisse dériver son esprit; une douce somnolence s'empare de lui, il s'endort...Combien de temps s'est-il assoupi ? Il ne saurait le dire, la notion de temps lui a complètement échappé. Lorsqu'il se réveille, il frissonne. La journée doit être bien avancée et personne ne se doute de sa présence dans la crypte. Il se dirige donc vers la sortie, mais curieusement ne retrouve pas son chemin. Perplexe, il revient sur ses pas et cherche une autre issue. Quelques mètres plus loin, une lourde porte en bois munie de ferrures anciennes se dresse sur son passage. La porte est ouverte, invitation silencieuse à entrer. Il avance sans hâte et perçoit comme un murmure doux et apaisant, quasi inaudible qui l'oblige à tendre l'oreille.

Il s'approche discrètement et aussitôt se sent porté par une lente mélopée qui s'élève vers le ciel. Soudain, le ton se fait pressant, presque implorant, le rythme s'accélère et des voix scandent des mots qui s'envolent, se cognent les uns aux autres; puis, de nouveau, le murmure reprend sa place. Il ferme les paupières, s'imprègne de cette atmosphère si particulière et reste un long moment immobile. Un frôlement imperceptible le fait tressaillir...Des mots viennent à lui en une longue procession mouvante. Ces mots expriment le pardon, l'amour, l'humilité, demandent la paix, remercient et espèrent enfin.

Cricri

à suivre

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