Guillaume se secoue, sort de sa torpeur et gravit quelques marches de pierres taillées. Tout d'abord, il aperçoit un groupe de personnes agenouillées qui lui tournent le dos. Probablement des pèlerins pense-t-il, et c'est sans doute leur prière qu'il a entendue. Tous portent une robe de bure retenue à la taille par une ceinture de corde. Il marche dans leur direction et soudain se fige de stupeur : un immense chantier surgi de nulle part s'active devant lui. D'innombrables échafaudages jalonnent la nef et le transept. Puis, levant la tête, Guillaume est pris d'un vertige, le toit de la cathédrale a disparu! A la place, un enchevêtrement de poutres constitue l'essentiel de la charpente, recouverte de feuilles de plomb.
Immédiatement, il pense au tournage d'un film. Les pèlerins sont des figurants qui participent à une scène sous l'œil des caméras dissimulées dans le décor. Il n'y a pas d'autre explication. Mais il a beau chercher autour de lui, nulle trace de matériel et pas le moindre projecteur dans son champ de vision! Comment ont-ils réussi ce tour de passe-passe ? Installer un plateau de cinéma au milieu de la nef en un temps record, c'est impossible... Ou alors, il rêve éveillé.
Totalement bouleversé par ce qu'il découvre, il s'adosse à un pilier, le souffle coupé par l'émotion. Son cerveau fonctionne à toute allure, il se pince violemment le bras, mais force est de constater qu'il ne rêve pas. Que s'est-il passé ? A l'incrédulité succède la panique lorsqu'il remarque que des ouvriers sont habillés d'une étrange façon : ils portent des sortes de braies comme au Moyen Age, ou des chausses recouvertes de tuniques de drap grossier. Son sang se glace dans ses veines lorsque baissant les yeux, il se rend compte qu'il porte les mêmes vêtements qu’eux. Tel un somnambule, il erre à travers le chœur, contourne le maître-autel et atteint le transept nord, dont une des travées est inachevée. Que fait-il là ?
C'est incompréhensible. Il essaie de raisonner clairement et passe en revue tous les scénarios possibles. Après maintes tergiversations, il en déduit qu'il s'est passé quelque chose d'inimaginable et par on ne sait quel prodige il s'est retrouvé catapulté dans un autre siècle. Car maintenant, il en est certain, il a fait un bond dans le temps. Reste à savoir comment... Rassemblant toutes ses connaissances, il tente de déterminer une date approximative de l'époque dans laquelle il est enfermé. Si ses souvenirs sont exacts, d'après les livres qu'il a longuement consultés pendant ses études et les travaux qu'il a sous les yeux, il pense être au début du 13ème siècle. Les écrits font état d'un incendie en 1194, la cathédrale s'était effondrée et la charpente enflammée avait propagé le feu, anéantissant meubles et tapisseries. Tout n'avait pas été détruit cependant et les bâtisseurs furent contraints aux environs de l'année 1200, à de nombreuses transformations qui modifièrent le projet initial.
Une angoisse le saisit brusquement… Est-il condamné à vivre le restant de ses jours dans cet espace temps ? Un tremblement nerveux l'agite et il frissonne d'une sueur glacée qui lui coule le long de l'échine. Et s'il ne revenait pas dans son siècle ? Il n'ose envisager la suite des événements.
Tout à ses pensées, il ne remarque pas qu'on l'interpelle. Un homme de haute stature se dirige vers lui en faisant de grands gestes. A sa mise, Guillaume comprend qu'il a affaire à un personnage important, aux outils qui pendent à sa taille : une équerre et un compas. C'est un maître d'œuvre. Il est accompagné d'un jeune garçon d'une douzaine d'années, chargé de rouleaux et de plans. A quelques pas derrière, un jeune homme portant un gabarit de bois dans les mains ferme la marche. Le maître d'œuvre ordonne à Guillaume de suivre son assistant afin d'aider les compagnons au portail Nord. Guillaume est alors entraîné malgré lui, abasourdi, et songe qu'il ne peut en aucune façon révéler ou expliquer les circonstances de sa présence. A coup sûr on le prendrait pour un fou...
Cricri
à suivre
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