C'est ainsi qu'il commence à apprendre les rudiments du métier de la mortellerie, mélanger l'eau, le sable et la chaux. Toute la journée il manipule des auges, des pelles, pour gâcher le mortier, puis le déposer aux pieds des maçons. Au crépuscule, le travail cesse et Guillaume est invité à se rendre dans la maison du Maître afin de se rassasier et passer la nuit sur une couche de fortune. Les jours suivants, le même rituel reprend : levé avec le soleil, il part sur le chantier et reçoit les consignes pour les tâches à effectuer. Il se familiarise avec les outils, apprend à manier truelles, bouchardes, pics et maillets. A travers les différentes corporations, il puise un enseignement enrichissant et se forge ainsi de solides connaissances dans les autres corps de métier.
Avec les charpentiers, il découvre comment tailler les panneaux pour les portes et des encadrements pour les fenêtres, ainsi que la réalisation des cintres en bois, sorte d'immenses armatures qui devront supporter le poids des voûtes et des arcs-boutants. Les verriers l'initient au mélange délicat des couleurs destinées au vitraux, puis à l'art de la découpe du verre et à la réalisation des assemblages par des baguettes de plomb. Petit à petit, il acquiert de l'expérience et commence à être reconnu pour ses compétences en dessin et en architecture.
Le temps passe et n'a pas de prise sur lui. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il s'est bien accommodé de la situation. Moins d'une dizaine d'années plus tard, grâce à la qualité de son travail et sa réputation de bon ouvrier, le maître d'œuvre lui confie la finition du porche Sud, surmonté de sa galerie à pinacles. Guillaume s'en sort avec les honneurs et exprime alors le désir de travailler avec les « imagiers. », autrement dit les tailleurs de pierre. Sa grande passion, c'est la pierre! Façonner la matière, donner vie aux statues, modeler un visage, voilà ce qu'il recherche. Convaincu par son enthousiasme, le Maître le recommande à la loge des « pierreux » . Pendant une décennie encore, Guillaume va mettre en pratique tout ce qu'il a appris. D'une grande humilité face à ces hommes qui connaissent toutes les subtilités du travail de la pierre, il perfectionnera sans cesse son ouvrage, n'hésitant pas à s'investir plus encore pour donner le meilleur de lui-même. Il peaufinera sa technique sur les routes, allant de ville en ville travailler dans des ateliers, partageant la vie des compagnons jusqu'à l'aboutissement de sa passion.
Toutes ces années de labeur lui ont donné l'habileté nécessaire pour manier parfaitement le ciseau, la gradine, et acquérir une précision sans faille. Il a ainsi développé une grande assurance et suscite une admiration partagée par tous ses condisciples. Lorsqu'il revient dans la cathédrale de Chartres, celle-ci est quasiment terminée. Guillaume est prêt pour formuler une requête qui lui tient à cœur : il aimerait passer maître d'œuvre. Mais pour accéder à ce poste suprême, il doit subir un test avant tout.
La loge se réunit avec le Maître et les gardes-métier qui superviseront son ouvrage. Ils décident de lui commander une statue féminine destinée au parc attenant à la cathédrale. Guillaume sait qu'il n'a pas droit à l'erreur et passe de longues heures devant ses dessins. Soudain, il a un déclic! Pendant son périple, il a aperçu une jeune fille d'une beauté délicate, aux formes parfaites. Une inconnue qui, depuis, hante ses nuits et lui échappe au petit matin. Il esquisse son profil, ébauche sa silhouette et se jette à corps perdu dans la réalisation de son chef-d'œuvre. Dans son atelier, dès l'aurore et jusqu'au coucher du soleil, il donne libre cours à sa créativité. Pendant tout un hiver et jusqu'au début de la nouvelle saison, il travaille d'arrache-pied, jusqu'à ce jour de printemps, où... emprisonnée dans sa gangue de pierre, elle a surgi, sublime, du plus profond des chaos.
Cricri
à suivre
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